Le microbiote intestinal est nécessaire à une croissance post-natale optimale et contribue à la détermination de la taille des individus adultes, notamment en cas de sous-alimentation.
L’élément clé de cette relation est le facteur de croissance Insulin-like Growth Factor-1 (IGF-1) dont la production et l’activité sont en partie contr?lées par le microbiote. C’est ce que viennent de démontrer, chez la souris, des chercheurs de l’
Institut de génomique fonctionnelle de Lyon (CNRS/ENS Lyon/Université Claude Bernard Lyon 1), du
laboratoire CarMeN (Inserm/Inra/Université Claude Bernard Lyon 1/Insa Lyon), et de l’unité BF2I (Inra/Insa Lyon). Ces résultats, publiés le 19 février 2016 dans
Science en collaboration avec des chercheurs de l'Académie des sciences de la République tchèque, montrent de plus que certaines souches de bactéries intestinales, appartenant à l’espèce
Lactobacillus plantarum, peuvent favoriser la croissance post-natale des animaux, ouvrant ainsi une nouvelle piste pour lutter contre les effets délétères de la sous-nutrition chronique infantile.
A lire sur Sciences pour tous : De “bonnes” bactéries pour soigner la sous-nutritionAu cours de la phase juvénile, la croissance des animaux est influencée par des interactions entre les apports nutritionnels et les signaux hormonaux. Une sous-nutrition aigu?, de quelques jours chez la souris, se traduit par une perte de poids importante, largement documentée et attribuée, entre autres, à une perturbation du microbiote intestinal. Lors d’une sous-nutrition chronique, un retard de croissance se manifeste. Les mécanismes complexes de ce retard mettent en jeu un état de résistance à l’action de l’hormone de croissance, sécrétée par l’hypophyse, une glande endocrine située sous le cerveau, qui stimule normalement la production de facteurs de croissance, comme l’Insulin-like Growth Factor 1 (IGF-1) par de nombreux tissus. Cette résistance des tissus à l’hormone de croissance entra?ne une chute de la production d'IGF-1, ce qui conduit à un retard de développement et une taille réduite de l’individu par rapport à son ?ge. L'influence du microbiote sur ces mécanismes restait jusqu’à ce jour inconnue.
En comparant, dans différentes conditions nutritionnelles, le développement de souris standard, avec un microbiote normal, et des souris dites axéniques, sans microbiote intestinal, les chercheurs ont démontré pour la première fois le r?le des bactéries de la flore intestinale sur le contr?le de la croissance. Que ce soit avec un régime normal ou en situation de sous-nutrition, les chercheurs ont observé que les souris axéniques avaient non seulement pris moins de poids, mais qu’elles étaient aussi plus petites que les souris standard. Chez les souris axéniques, de nombreux paramètres de la croissance osseuse, comme la longueur ou l'épaisseur des os, sont réduits sans que la densité minérale osseuse (la quantité de calcium dans les os) ne soit affectée. De plus, les chercheurs ont montré que les souris axéniques avaient des taux et une activité de l’IGF-1 plus bas que les autres souris. En interférant avec l'activité de l'IGF-1 chez les souris normales ou en injectant de l'IGF-1 à des souris axéniques, les chercheurs ont démontré que le microbiote intestinal favorise la croissance en influen?ant la production et l'activité de cet important facteur de croissance.
De précédentes études ont démontré chez la drosophile la capacité de souches bactériennes de l'espèce Lactobacillus plantarum à favoriser la croissance post-natale en cas de sous-nutrition chronique. Les chercheurs ont alors analysé la croissance de souris dites mono-colonisées, c’est-à-dire ne possédant qu’une seule souche de bactéries en guise de microbiote. Ils ont ainsi montré que les souris mono-colonisées avec une souche particulière de Lactobacillus plantarum (nommée LpWJL), élevées en condition de nutrition standard ou lors d'une sous-nutrition chronique, produisent plus d’IGF-1, prennent plus de poids et grandissent mieux que les souris axéniques ou les souris mono-colonisées avec d'autres souches. Ces résultats démontrent ainsi que certaines souches de Lactobacillus, dont LpWJL, ont la capacité de favoriser la croissance post-natale chez les mammifères.
La sous-nutrition chronique affecte encore aujourd'hui plus de 150 millions d’enfants de moins de 5 ans dans les pays à faibles revenus. Ces résultats invitent donc à déterminer si ces souches de Lactobacillus, qui ont la capacité de favoriser la croissance post-natale animale, pourraient atténuer les effets délétères d’une sous-nutrition chronique sur la croissance infantile et donc favoriser une croissance post-natale saine dans la population générale.