Apprendre ou s’adapter ? Réponse avec l’adaptation prismatique
Une étude menée avec des champions lanceurs de fléchettes par une équipe du Centre de recherche en neurosciences de Lyon* et des Hospices civils de Lyon révèle que nos capacités de transfert de t?ches sont conditionnées par notre ma?trise d’une t?che. Les résultats sont publiés dans la revue Nature Scientific reports.
Marcher, lancer un objet, écrire ou même parler nous apparaissent comme des t?ches que nous réalisons tous les jours sans effort particulier. Mais pour des personnes souffrant de troubles du mouvement, comme l’hémiplégie qui paralyse un c?té du corps, ces mêmes t?ches deviennent difficiles à réaliser, rendant le quotidien pénible. Dans le domaine de la neuro-réadaptation, une piste envisagée pour soigner ces troubles repose sur les capacités d’apprentissage et d’adaptation de notre système sensori-moteur.
Le système sensori-moteur assure la coordination de nos mouvements pour répondre à des sollicitations de notre environnement. Face à des demandes variées, le système sensori-moteur est capable de se ? transformer ? : soit d’apprendre de nouvelles t?ches motrices (apprentissage), soit de réajuster des t?ches déjà acquises (adaptation). On parle de plasticité sensorimotrice.
Une équipe du Centre de recherche en neurosciences de Lyon (CRNL - Université Claude Bernard Lyon 1 / CNRS / INSERM / Université Jean Monnet Saint Etienne) et des Hospices civils de Lyon a mené des travaux pour mieux comprendre la fa?on dont nous pouvons transférer des transformations motrices acquises dans une situation donnée, vers une nouvelle situation. Cette question est centrale en neuro-réadaptation. L’objectif des scientifiques serait de permettre aux patients de pouvoir transférer des compensations motrices acquises lors d’une thérapie à des situations du quotidien. Pour étudier la plasticité des processus sensori-moteurs, les scientifiques se sont appuyés sur l’adaptation prismatique.
L’adaptation prismatique appliquée aux fléchettes
L’adaptation prismatique permet d’étudier en quelques minutes la fa?on dont notre cerveau réagit lorsqu’il est confronté à une perturbation visuelle. Le sujet porte des lunettes qui dévient le champ visuel vers la droite. Dès lors, lorsqu’il essaie de toucher une cible avec son index, il commet tout d’abord des erreurs vers la droite dans la direction de la déviation prismatique. Puis, au fur et à mesure qu’il répète les essais, il corrige ses erreurs et finit par atteindre la cible. Son cerveau a mis en place les compensations nécessaires pour prendre en compte la perturbation.
Dès l’instant où le sujet retire les lunettes, il commet alors de fa?on surprenante des erreurs du c?té opposé aux erreurs initialement commises. Bien que la perturbation soit supprimée, le cerveau conserve des compensations qui n’ont pourtant plus lieu d’être. Ces erreurs, appelées effets consécutifs, sont alors la preuve qu’une adaptation a eu lieu.
Une adaptation conditionnée par notre ma?trise d’une t?che
Ainsi, l’équipe de recherche a étudié la fa?on dont nous sommes capables de transférer ces compensations vers une t?che non pratiquée durant le moment où nous avons été exposés à la perturbation.
Les résultats montrent qu’il est possible de transférer les compensations acquises durant une t?che de pointage vers une t?che de lancer, mais que l’inverse est impossible : vous ne pourrez pas transférer les compensations mises en place durant la pratique d’une t?che qui n’est pas ma?trisée (le lancer) vers une t?che ma?trisée (le pointage). A moins que… Vous soyez lanceurs de fléchettes professionnel ! En effet, les experts en lancer sont quant à eux bel et bien capables de transférer les effets consécutifs acquis durant la t?che de lancer vers une t?che de pointage.
La ma?trise que nous avons d’une t?che motrice conditionne donc la fa?on dont nous nous adapterons à une perturbation donnée lorsque nous pratiquons cette t?che, et influence donc la possibilité que nous aurons de transférer cette adaptation vers une t?che non pratiquée durant la perturbation. L’intérêt principal de ce travail est de démontrer que notre degré de ma?trise d’une t?che conditionne qu’elle puisse faire l’objet d’apprentissage et/ou d’adaptation.
crédits image - Lisa Fleury, Yves Rossetti
*Centre de recherche en neurosciences de Lyon (CRNL - Université Claude Bernard Lyon 1 / CNRS / INSERM / Université Jean Monnet Saint Etienne)
Article référence
Fleury, L., Pastor, D., Revol, P. et al. Inter-task transfer of prism adaptation depends on exposed task mastery. Sci Rep 10, 5687 (2020). https://doi.org/10.1038/s41598-020-62519-5
Publié le 26 mai 2020 – Mis à jour le 15 juillet 2021